(MAJ 17/11/22) Brèves d'actualités en droit du luxe au 14 novembre 2022

dimanche, 13 novembre 2022 18:34

CA Paris, Pôle 5, Chambre 1, 2 novembre 2022, n° 20/18672, ISABEL MARANT vs H&M

« Si plusieurs des différents motifs décoratifs de la veste "Eloïse" sont connus, apparaissant sur des vestes invoquées par la société H&M (étoiles classiques et filantes, yeux, mains...), ce qui confirme l'appartenance de la veste revendiquée à un genre "cosmique et ésotérique" initié par la veste "Zodiac" d'Elsa SCHIAPARELLI (1938), puis repris et développé au milieu des années 2010 par divers créateurs, l'association de ces éléments par ISABEL MARANT à une veste relevant de l'univers urbain de type "sportswear" et leur agencement selon une combinaison particulière, créant un effet de contraste saisissant entre le côté brut de la veste en jean et la sophistication et la préciosité des décorations, traduisent des choix libres et arbitraires de la créatrice portant l'empreinte de sa personnalité » / l’originalité du modèle est reconnue.

En revanche, la contrefaçon de droit d'auteur est exclue « l'esprit des deux vestes étant radicalement différent : alors que la veste « Eloïse » est une veste branchée, luxueuse et ostentatoire, susceptible d'être portée lors d'une soirée, la veste H&M est une grosse veste fourrée d'hiver fantaisie reprenant le genre « cosmique et ésotérique » non appropriable en tant que tel ».

Demandes formées sur le fondement du DMCNE également rejetées.

Pas de concurrence déloyale et parasitaire.


CA Paris, Pôle 5, Chambre 1, 2 novembre 2022, n° 21/00039, ZAG BIJOUX vs ATIWELL

Rejet de la demande formée sur le fondement de la concurrence déloyale, ZAG BIJOUX invoquant au soutien de ses prétentions, des bijoux constituant eux-mêmes des copies de modèles antérieurs, la société ATIWELL ayant, quant à elle, en 2018, date des faits qui lui étaient reprochés, seulement repris des modèles connus, tombés dans le fonds commun de la bijouterie fantaisie et inscrits dans les courants de la mode.

C'est encore vainement, pour la Cour, que ZAG BIJOUX invoque l'effet de gamme par la reprise de plusieurs modèles de ses collections, sans démontrer leur cohérence thématique, l'effet de gamme ne pouvant seulement résulter de la déclinaison d'un même motif, banale et usuelle en bijouterie, en collier, bracelet, bague, boucles d'oreilles, ou dans les couleurs or jaune, or blanc, or rose.

Pas de parasitisme non plus, la société ZAG BIJOUX n'ayant pas démontré que les bijoux invoqués seraient des produits emblématiques de ses collections, aptes à l'identifier, et qu'elle s'est abstenu, en outre, de justifier des investissements qu'elle aurait spécifiquement consacrés à ces bijoux et de la valeur individualisée de chacun de ces bijoux.

Les bons résultats commerciaux et les dépenses consacrées à la promotion de ses articles sont jugés insuffisants à caractériser la valeur économique propre à chacun des bijoux qu'elle reproche à la société ATIWELL d'avoir voulu capter, à son préjudice.


CA Paris, Pôle 5, Chambre 1, 2 novembre 2022, n° 21/01480, ADIDAS et ADIDAS FRANCE vs ISABEL MARANT: marques aux trois bandes vs vêtements à deux bandes

Pas de contrefaçon par imitation, les signes en cause se différenciant en ce que les bandes apposées sur les vêtements ISABEL MARANT sont au nombre de deux - alors qu'elles sont trois dans les marques revendiquées - et que ces deux bandes sont larges et d'une largeur nettement plus grande que l'espacement qui les sépare - alors que les marques revendiquées comportent trois bandes fines séparées par deux espaces de même largeur que les bandes elles-mêmes.

Ces différences tant dans le nombre que dans la largeur et l'espacement des bandes créent entre les signes une impression visuelle très sensiblement différente, et ce nonobstant la distinctivité et la notoriété élevée des marques ADIDAS.

A cela s’ajoutent les conditions de commercialisation des produits litigieux, à prendre également en considération dans l’appréciation du risque de confusion, exclu ici (présence du logo ISABEL MARANT, composé d'un rond blanc surmontant un motif figurant une mouette apposé sur la poitrine de façon très visible, avec des étiquettes portant cette marque, dans des boutiques ou espaces de vente vendant exclusivement des produits de la marque ou sur son site internet), ISABEL MARANT justifiant en outre bénéficier elle-même d'une réelle notoriété dans le secteur du prêt-à-porter haut de gamme.

Sur l’atteinte aux marques de renommée: la renommée des marques ADIDAS invoquées est certes acquise.

Pour autant, l’atteinte n’est pas caractérisée, les vêtements litigieux ISABEL MARANT s'inscrivant dans un courant de la mode « sportswear » marqué notamment par des vêtements de détente décorés de bandes parallèles contrastantes, très prégnant au moment des faits litigieux (2016/2018), auquel les sociétés ADIDAS ont concouru aux côtés d'autres acteurs du secteur des articles de sport et du monde du prêt-à-porter ou du luxe, ce courant s'étant lui-même inspiré des uniformes militaires, ISABEL MARANT bénéficiant en outre de son propre pouvoir d'attraction.

Rejet également de la demande formée sur le fondement de la concurrence déloyale.

Trib. UE, 9 novembre 2022, aff. T-610/21, L'Oréal vs Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)

Pas de risque de confusion entre la demande de marque semi-figurative « K K WATER » et la marque antérieure invoquée « K » stylisée



K K WATER vs K

Le Tribunal de l’UE retient en effet que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en concluant à l’existence d’un risque de confusion, en sous-estimant en réalité l’incidence des éléments verbaux « k water » au sein de la marque demandée.


Mise à jour du 17 novembre 2022

Tribunal Administratif de Versailles, 17 novembre 2022, n°2004590

Y compris en l’absence de contrat signé, le lien de franchise est établi entre la société danoise BoConcept et son revendeur en France, dès lors que celui-ci applique la stratégie commerciale de la société danoise, en utilise la marque et le logo, s'approvisionne exclusivement auprès d’elle et est référencé sur le site BoConcept comme franchisé / les frais ainsi facturés par BoConcept sont passibles de la retenue à la source, y compris en l’absence de contrat de franchise signé, l'administration fiscale étant par ailleurs fondée à se prévaloir des contrats similaires passés entre BoConcept et d'autres sociétés françaises pour calculer le montant des redevances soumises à la retenue à la source.

CJUE, 17 novembre 2022, aff. C-175/21, à propos de systèmes de sons Harman Kardon et JBL:

"Les dispositions relatives à l’épuisement du droit ne s'opposent pas à une pratique judiciaire selon laquelle le dispositif de la décision faisant droit à une action en contrefaçon d'une marque de l'UE, est rédigé dans des termes qui, en raison de leur caractère général, laissent à l'autorité compétente pour l'exécution forcée de cette décision le soin de déterminer à quels produits ladite décision s'applique, pour autant qu'il soit permis à la partie défenderesse de contester la détermination des produits visés par cette procédure et qu'une juridiction puisse examiner et décider quels produits ont été effectivement mis sur le marché dans l'EEE par le titulaire de la marque ou avec son consentement".

La Cour rappelle les conditions de l’épuisement du droit:

1/ produits (authentiques) mis sur le marché de l’EEE;
2/ aux fins d’y être vendus (mise dans le commerce);
3/ le consentement devant porter sur chaque exemplaire pour lequel l’épuisement est invoqué;
4/ le consentement du titulaire devant être exprimé d’une manière qui traduise d’une façon certaine une volonté de renoncer à ce droit.

La charge de cette démonstration appartient à l’opérateur se prévalant de cette exception, sauf risque de cloisonnement des marchés.

Recommandation pour les marques: employer un système de marquage des produits permettant d’en identifier le marché de destination, même si cela réduit les possibilités de changement de destination de dernière minute...

Pour plus d’informations sur la mécanique de l’épuisement du droit, voir notre rédaction dans Dalloz, Acte du Colloque des JUSPI "Le Code de la Propriété Intellectuelle en dix articles".

Cour d'Appel de Paris, Pôle 5, Chambre 4, 9 novembre 2022, n°20/12275 (ELIE SAAB vs franchisé)

Pas de réticence dolosive ou de faute précontractuelle du franchiseur qui, sans avoir transmis de DIP au sens de la loi française pourtant choisie par les parties, a néanmoins renseigné le franchisé aux termes d'échanges précontractuels, sur les éléments « basiques » du contrat de franchise, la taille recommandée du magasin, les frais de design, de décoration et de mobilier et sur le personnel nécessaire pour tenir la boutique, incluant le nombre requis de retoucheuses, dans ce secteur très confidentiel de la haute-couture.

 

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Article rédigé par :
Julie Curto

Julie Curto

Avocat - Barreau de Lyon

Fondatrice en 2011 du Cabinet qui porte son nom, son activité est depuis toujours intégralement dédiée au droit de la propriété intellectuelle et contentieux des affaires.